
CHEVREUIL ANTICOSTI
En novembre soyez rusé et non déconcerté!

Texte, photos et vidéos
Maxime Dubé
Ces fameuses plaines qu’on entend si souvent parler. Devant l’étendue de celles-ci, qui peuvent être plutôt restreintes ou bien complètement démesurées, comment aborde-t-on ces ouvertures pour y chasser en novembre?
Il est plutôt difficile de se faire une idée juste pour un néophyte, car qui chasse de si grandes ouvertures ailleurs au Québec? Pour un habitué des provinces de l’ouest qui chasse le cerf-mulet, il peut être plus aisé de cibler les structures intéressantes, mais pour le commun des chasseurs québécois, c’est une approche très méconnue. Plutôt habitué à chasser dans le bois ou dans des zones plutôt restreintes, quels seront les éléments intéressants à relever dans ces structures afin d’y favoriser le succès?
On doit à priori considérer ces plaines tout comme d’autres type d’ouverture tel que les bûchés, bord de rivière, brûlé ou dénudé sec comme des zones d’alimentation. Lorsqu’on débute la saison en septembre, ces zones sont littéralement envahies par les chevreuils des environs afin de se délecter de l’apport alimentaire de certaines plantes se retrouvant dans ces secteurs. Avec cette manne disponible, on peut donc retrouver les chevreuils à plusieurs endroits dans ces ouvertures lors des périodes d’activités des cervidés. Il suffit alors de parcourir ces zones à bon vent, de repérer les chevreuils à distance et effectuer l’approche pour permettre un tir éthique. Cette période de facilité est cependant éphémère et on doit se rendre à l’évidence que la végétation présente perd beaucoup d’attrait une fois la deuxième demie de septembre entamée et ce tout le long du mois d’octobre également.
L’approche des plaines, une fois le rut débuté
Afin de cibler le potentiel d’une plaine, à moins de très bien connaitre le secteur, l’analyse des cartes et des photos aériennes aident beaucoup à favoriser un parcours dans ces structures. J’utilise souvent la même approche dans ma préparation, on doit miser sur un besoin primaire, et dans ce cas-ci, c’est celui qui consiste à se reproduire. Ce besoin est tellement mis en priorité, que les bucks mettent en second plan leur alimentation et leur grande méfiance des lieux trop ouverts. Je suspecte grandement la tentation de couper court à certaines occasions afin d’économiser un peu d’énergie pour leurs déplacements journaliers. On ne peut pas leurs en vouloir d’agir ainsi quand ils s’alimentent si peu! J’ouvre une parenthèse ici en mentionnant que les réserves adipeuses sur le dos des mâles diminuent fortement plus la saison avance. On constate ce fait en enlevant la peau des bêtes prélevées des derniers groupes en novembre. On peut constater des cerfs avec environ 2 à 3 cm d’épaisseur de gras sous-cutané en début de novembre à aucune réserve en fin novembre.
Cette particularité fait en sorte que les entonnoirs, rétrécissement de la plaine ou ligne d’arbre coupant une plaine deviennent des sites très fréquentés pour les déplacements des mâles en recherche de conquêtes féminines.
Comment alors aborder ces secteurs une fois bien identifiés? C’est évident que du temps doit être investi à bon vent afin de surveiller ces passes peu importe qu’il soit de nature passive ou active en effectuant du rattling ou des séances d’appel. L’attente est donc un investissement comme stratégie, cela peut être constitué d’une pause pendant une grande marche ou bien la prise du diner. Concernant la question de la durée de la présence, cela peut être très variable selon la patience du chasseur et de la distance restante à parcourir pour revenir à la route. Considérer 20-30 minutes comme une durée de base pour surveiller ces passes naturelles, vous ajustez la suite au type de chasseur que vous êtes. Plus vous coïnciderez ces attentes avec les bonnes périodes des tables solunaires, meilleures seront vos chances d’en tirer profit. J’ai un exemple d’une attente de plus d’une heure et demie avec un chasseur parce que mon arrivée à ce secteur était beaucoup trop hâtive. J’ai aperçu le mâle alors que je scrutais une dernière fois la plaine avant mon départ à la suite de cette attente pendant une période d’activité majeure. L’action s’est déroulée un peu passé midi en plein mois de novembre.
Une fois ces endroits ciblés sur la carte, comment doit-on aborder le 95% du territoire restant? Dans le cas de grandes plaines cela peut devenir très déconcertant vue la superficie ouverte devant soi. À ce moment, on doit maintenant penser aux besoins fondamentaux des femelles, car celles-ci conserveront leurs demandes alimentaires quotidiennes et leurs domaines vitaux. On doit donc retrouver les éléments essentiels à leur présence. Étant donné que plusieurs plantes n’ont plus d’attrait parmi celles peuplant ces zones ouvertes, on se doit de trouver ces zones miracles dont j’ai parlé dans mon article du mois d’aout. Ces zones auront le potentiel de garder les femelles à proximité et d’ainsi retrouver ces mâles qui graviteront autour lorsque les effluves seront très attirantes. Est-il nécessaire d’y passer beaucoup de temps alors? Ma réponse est négative dans ce cas car on veut également couvrir du territoire pendant le rut. J’ai habituellement une vitesse de marche plutôt rapide mais les arrêts sont fréquents afin de scruter les moindres taches ou formes suspectes avec les binoculaires.


Avec l’application Avenza on peut facilement identifier les endroits intéressants. Voici deux exemples d’entonnoirs qui risquent d’être productifs en novembre.
Un exemple d’entonnoir sur le terrain.
Un autre exemple d’entonnoir en novembre.
Le fameux mouchoir blanc
Je vous fais ici une confidence qui n’est plus tellement un secret pour ceux qui me suivent depuis un bout. Rendu dans le temps du rut, je me préoccupe peu du fait d’être détecté par les mâles arpentant seuls ces secteurs. À cette période, l’utilisation du mouchoir blanc a habituellement l’effet d’amener les mâles à très courte distance du chasseur lorsque celui-ci garde profil bas à l’endroit où il a constaté que le mâle l’observait. N’oubliez pas que votre approche se fait avec vent de côté ou de face donc impossible pour l’animal de vous détecter par l’odorat. Par surcroit, la vue est son sens le plus facile à berner et surtout pendant la période du rut où il est très vulnérable. Donc je garde un rythme de marche assez rapide à l’extérieur des zones d’entonnoirs et lignes de passage, mais je repère les zones d’alimentation de fin de saison avec les binoculaires et je balaie du regard ces zones pouvant retenir certaines femelles. Dans l’éventualité que vous en repériez une s’y alimentant, vous aurez encore une fois l’occasion de prendre une pause et d’observer à distance cette femelle pouvant être d’un grand intérêt pour ces mâles toujours en mode recherche.
L’utilisation du Scott Towel ou de la guenille blanche.
Je mets l’emphase sur l’utilisation d’une bonne paire de jumelles car cela peut fortement faire la différence entre une situation ratée et une où le chasseur a pu effectuer la récolte. Dans mon article paru en aout 2022, je suggère un modèle offrant un grossissement de 8 ou 10 fois avec un objectif ayant un minimum de 32 mm jusqu’à un maximum de 45 mm. Avec ces spécifications, vous serez en mesure de bien observer à distance car il demeure un cas où je ne désire pas être aperçu, et cette situation, c’est lorsque la femelle est accompagnée par un mâle et occupe un endroit plutôt dégagé dans la plaine. Il est régulier de les trouver couché un à côté de l’autre et de devoir faire une approche très furtive. Lorsque vous décelez un couple à distance, il n’y a qu’un élément à respecter à tout prix. En aucun temps, la femelle doit détecter votre présence, le mâle peut vous voir pendant votre approche et cela n’aura pas d’impact. Ce dernier désire seulement demeurer auprès de la biche afin de l’accoupler faisant fi de sa méfiance légendaire des situations dangereuses. Si cette biche vous aperçoit, vous devrez alors faire preuve d’immobilisme assez longtemps pour qu’elle se désintéresse de vous et ne vous considère plus comme un danger. Dans le cas contraire, son instinct de survie est toujours présent et elle prendra la fuite entrainant avec elle le mâle tant recherché. Vous n’aurez qu’à reprendre votre chemin afin de trouver un autre mâle. J’ajoute un détail à cette situation. Selon mon opinion, il demeure essentiel de ne pas exposer un chiffon ou gant blanc en permanence afin de garder une possibilité de récolte lorsqu’on fait cette rencontre. On pourrait perdre cette opportunité de demeurer hors du champ de vision de la femelle avant que le chasseur l’aperçoive en procédant de la sorte. Je préfère garder à l’intérieur de mon sac un ou deux chiffons blancs et de les sortir au moment opportun.
Distance de la forêt
Revenons maintenant à nos secteurs de marche rapide. Une question souvent abordée est celle de savoir à quelle distance doit-on marcher du bord de la forêt. La réponse est malheureusement très variable j’aimerais pouvoir donner des chiffres précis mais il y a tellement de facteurs qui entrent en ligne de compte que pour deux chasseurs différents, une même journée dans des secteurs similaires, la distance ne sera pas la même. Je m’explique.
Un des premiers points à assimiler, c’est que chaque animal possède une tolérance en termes de distance avec le danger. Étant donné que vous avez maitrisé le sens de l’odorat des chevreuils en chassant à bon vent, le prochain sens qui sera utilisé par les cervidés pour détecter un éventuel danger sera celui de l’audition. C’est alors qu’entre en jeu les aptitudes et habillements des chasseurs. Certains chasseurs ont des vêtements plus bruyants que d’autres lors du passage à travers la végétation de l’endroit sinon ce sera au niveau de la démarche qui sera plus ou moins détectable. À ces deux premiers aspects, on y ajoute l’intensité du vent qui joue pour une forte proportion dans la réponse finale. Pour vous donner une idée, je peux marcher à 50 pieds du bois avec un chasseur comme je peux me tenir à plus de 200 pieds lors des jours avec un vent presque pas perceptible. On désire dans cette démarche garder un effet de surprise pour le côté exploité de la plaine et si toutefois un chevreuil nous détecte, être également à distance où il nous donnera le temps d’effectuer un tir. On veut éviter les situations de surprise qui créent une fuite instantanée de l’animal.
Marcher à quelle distance de la forêt?
J’ajoute un autre élément également dans l’éventualité que le chasseur effectue l’aller/retour par le même sentier. Il est possible avec cette situation que le vent ne soit plus aussi bon lors du retour. J’opte alors pour une stratégie d’éloignement plus grand dans ce cas. J’accepte alors que les chevreuils me détectent par l’odorat mais qu’ils demeurent à une distance offrant un moment pour effectuer un tir. Il arrive régulièrement que cet instant soit plus court qu’une minute mais je préfère cette occasion qu’à la simple constatation d’un chevreuil en fuite. J’opterai alors pour une distance pouvant se situer à environ 400-500 pieds de la lisière de la forêt.
Vous comprendrez à la lecture de cet article que cette démarche s’applique principalement aux grandes plaines qui peuvent demander une lecture plus minutieuses des structures sur carte. L’ajout de l’analyse des photos aériennes permet alors de cibler certaines structures non visibles sur les cartes ou bien d’y identifier des zones d’alimentation de fin de saison.
Et par grands vents?
Toutes ces belles stratégies sont effectives lors de journées dites normale avec un vent presque nul à moyen (moins de 50 Km/h). Dans ces circonstances, les plaines ou autres grandes ouvertures seront toujours à privilégier concernant la chasse du mois de novembre. Toutefois, il sera presque inutile de s’y attarder en cas d’intempérie sévère. Peu importe le mois de l’automne, lorsque les éléments se déchainent, ces zones seront désertées à coup sûr… ou presque. Les secteurs de plaine qui seront à l’abri du vent grâce à une topographie avantageuse ou bien les côtés de plaines protégées du vent par le couvert forestier (du côté de la provenance du vent) pourront alors être les zones d’activités du moment. Si cette zone ouverte est attenante à une zone forestière de densité C ou D avec une hauteur d’arbre située entre 7 et 12 mètres, vous aurez trouvé LA zone à exploiter. Le temps ne sera plus un enjeu, seulement la discrétion pourra vous mener vers le succès. Vous serez alors en mode chasse à très faible distance avec le gibier. Vous devez alors réduire grandement votre démarche car les chevreuils seront également beaucoup plus nerveux qu’à l’habitude à cause des mouvements et bruits continuels. Les chevreuils seront très régulièrement dans la zone de transition forêt et plaine et vous devrez être très observateur et utiliser régulièrement vos jumelles afin de repérer une partie seulement du chevreuil. Ce sera une tête, un bout de panache ou un mouvement du corps derrière les arbustes qui trahiront la présence du chevreuil.
J’ai raté l’occasion de faire récolter mon plus gros chevreuil à vie lors d’une de ces journées très venteuses. Pour faire une histoire courte, c’est même mon chasseur qui avait repéré le mouvement du panache derrière les arbustes. Mon regard s’y était pourtant attardé pendant notre marche. Le chevreuil se trouvait à environ 50 pieds de nous… Pour le tir qui a été effectué, le manque d’expérience de mon client lui a fait prendre une mauvaise décision. Je vois encore ce buck demeurer debout à nous fixer pendant plus de 20 secondes après le tir et ensuite prendre la fuite sans demander d’explication. J’estime ce buck à un score approchant le 155 B&C avec 10 longues pointes et deux kickers…
Tout ce que j’ai décrit plus haut comme habitat s’y retrouvait à cet endroit…Ce fut une leçon amère mais bénéfique pour mon bagage de connaissances.
Avec ces informations, ne soyez pas intimidé par les grandes superficies mais prenez le temps d’analyser le tout et vous pourrez alors être le fin renard qui trouvera plus facilement les mâles recherchés à cette période de l’année.
Une variation de la technique du rattling.