CHEVREUILS MATURES
Comment utilisent-ils le vent?

MARK RAYCROFT

Par Paul-André Hould
Comprendre comment le chevreuil mâture utilise le vent dans ses déplacements est une partie importante de la chasse au chevreuil. À chaque année, différentes questions me sont posées par les chasseurs. Ceux-ci se questionnent sur l’emplacement de leur poste de chasse, sur la technique de provocation à utiliser, les calls, le ratting, les lignes d’odeur, les faux grattés, etc.
Je leur pose alors une question: à votre avis, comment les chevreuils mâtures utilisent-ils intelligemment le vent pour se déplacer sur ton territoire? Après un court moment de silence, un chasseur sur deux m’avoue ne s’être jamais posé la question, et pour les autres, plus de la moitié ne comprennent pas vraiment comment interagir avec le vent en situation de chasse.
Les théories
Il y a ceux qui jurent que chaque grand cerf voyage le nez dans le vent. D’autres prétendent que les cerfs marchent avec le vent dans le dos. Et n’oublions pas ceux qui prétendent que c’est toujours avec le vent de côté.
Le bon sens devrait nous dire que si les cerfs marchaient toujours dans une certaine direction en fonction du vent, ils finiraient par se noyer dans un océan après deux semaines de vent dans la même direction!
Plutôt que d’être d’accord avec l’une ou l’autre des théories sur ce sujet, j’essaie d’apprendre des meilleurs professeurs: « les chevreuils eux même ». Quand je chasse, je ne suis pas simplement là, à attendre le coup de feu magique. J’observe les comportements des chevreuils que je vois. Je prends note de la corrélation entre les directions du vent et les déplacements des chevreuils afin de les contrecarrer lors de leurs mouvements. Quand certaines similitudes se produisent, je peux alors décider de l’endroit idéal où me poster ainsi que la stratégie de chasse que je vais adopter.
Le temps de l’année influence également les déplacements du chevreuil. En saison estivale, par exemple, les cerfs voyagent plutôt du point A au point B, allant de la couchette, à la nourriture ou à un point d’eau, puis revenant à la literie sans se soucier du vent. Cela dit, on remarque que les chevreuils plus âgés, utilisent le vent intelligemment, même en dehors de la saison des amours.
Prenons par exemple un terrain accidenté: les cerfs mâles mâtures entrent au champ différemment des autres chevreuils. Si le terrain a un point bas, les plus vieux mâles ont tendance à entrer de ce point bas en après-midi ou le soir. J’ai entendu dire que c’est pour les empêcher d’être le plus visibles. Cela a du sens, mais je pense que cela a plus à voir avec la capture du courant d’air thermique qui tombe au coucher du soleil. Le maximum d’odeurs, quelles qu’elles soient, devraient se diriger à cet endroit bien précis, donnant l’information primordiale que ces sujets recherchent.
Suivant cette logique, les points plus hauts qui entrent au champ, comme les crêtes de coulées, seront utilisés au lever du jour et en matinée par les sujets plus âgés quand les courants d’air se déplacent vers le haut.
Le vent en corrélation avec les zones de couche des vieux bucks
Le dortoir du mâle mâture est une chose que j’ai vraiment étudiée. J’y accorde une très grande importance car à mon avis, c’est la clé pour prélever un grand mâle. Vous devez connaître où les chevreuils se réfugient pour se sentir en sécurité. Pourquoi? Les vieux mâles bougent très peu en plein jour et c’est pourquoi vous devez vous approcher de leur lit pour les voir. Au cours de mes 31 années de chasse, j’ai constaté que les vieux sujets préconisaient certains endroits pour se reposer en fonction de la direction du vent.
Selon mes observations, un mâle dormira sur un faux plat ou sur un monticule, sur le bord d’une ligne de transition. Adossé du côté dense de la végétation, en gardant la partie dégagée devant lui, il aura le vent qui provient par l’arrière. Il aura ainsi une vision de tout ce qui vient vers lui, un éventuel prédateur ayant perçu son odeur.

MARK RAYCROFT
Selon l’auteur les mâles matures aiment bien se positionner sur un monticule de végétation dense vent de dos de manière à avoir une bonne vision de tous prédateurs en approche devant eux et de pouvoir détecter, par leur puissant odorat, l’approche de tous poursuivants derrière eux.
Oui, le chevreuil se couche avec le vent dans le dos. Ce type de cerf va presque toujours entrer dans son lit en venant face dans le vent, sentant son lit en avant de lui. Ensuite, il se retournera et surveillera sa piste arrière. Penses-y! C’est un geste plutôt intelligent car ils n’ont à s’inquiéter que d’un prédateur qui peut les repérer par une seule trainée d’odeurs. De plus, par la qualité de son ouïe, le cerf sera en mesure d’entendre tous les bruits suspects transportés par le vent. C’est pourquoi il est si difficile de traquer un mâle mâture et de le récolter dans son dortoir.
La zone de sécurité
Ce que j’appelle sa zone de sécurité est un cercle autour de sa zone de couchage, là où il pense être protégé. Dans cette zone, il peut vous sentir, vous voir et vous entendre approcher. La superficie de la zone de sécurité varie selon la topographie du terrain et de la confiance que le maître des lieux y accorde. Tant que le chevreuil se déplace dans cette zone il ne se soucie pas vraiment de la direction du vent.
Mais quand il arrive au bord de sa zone de sécurité ou qu’il en sort, il ralentit et montre un peu plus de prudence. Si le vent souffle dans le sens contraire de celui où il se dirige (le cerf a le vent qui arrive face à lui), il en sortira plus vite, plus loin et avec plus de confiance. Ce qui explique peut-être pourquoi certains chasseurs voient davantage de cerfs voyager de cette façon, c’est à mon avis, simplement parce que ces chasseurs sont à l’affût trop loin de la literie pour observer d’autres comportements du chevreuil.
Déplacement durant le rut
Durant le rut, les mâles ont tendance à se déplacer avec le vent de côté. Leur itinéraire traverse ou contourne les sites d’alimentation que fréquentent les femelles. Vous voyez, de cette façon, les chances pour eux de capter une odeur de femelle en chaleur est bien meilleure que de marcher avec le vent de face. Les vents latéraux procurent de nouvelles zones à sentir à chaque pas pour le chevreuil en chasse. Ensuite il se dirigera dans le vent pour suivre le parfum qui l’intéresse. Quand le chevreuil marche nez au sol, c’est qu’il est sur une odeur qui capte toute son attention. Moi j’appelle ce phénomène : « le chevreuil qui passe la balayeuse ».
Ce comportement est également observé quand le chevreuil suit une ligne d’odeurs disposée par un chasseur préalablement. J’ai moi-même prélevé quelques beaux sujets bernés par une ligne d’odeurs que j’avais tracée et également sur une odeur fraîche laissée au sol par une biche en chaleur quelques heures, voire quelques minutes avant.

MARK RAYCROFT
Pendant le rut les mâles matures aiment bien se déplacer de manière à avoir le vent de côté par rapport à leur direction. De cette manière ils augmentent leur chance de détecter l’odeur tant recherchée d’une femelle en chaleur. Toutefois lorsqu’ils se déplacent nez au sol, c’est qu’ils sont sur la piste d’une nouvelle conquête amoureuse.
Conclusion
Les déplacements des grands cerfs sont directement influencés par les vents et le choix de leur site de repos aussi. Certains chevreuils vivent plus vieux que d’autres et cela n’a rien à voir avec la chance. Le chasseur a tout intérêt à bien connaître les zones de repos des chevreuils, de les respecter, sans y pénétrer, et plutôt de s’embusquer à proximité de la zone de sécurité du grand mâle autour de son dortoir et d’y pratiquer la technique de provocation de son choix.
Rappelez-vous que les monticules et les crêtes de coulées qui donnent accès aux champs sont des endroits de prédilection au lever du jour et en matinée. Les points d’accès aux champs plus bas seront meilleurs en fin de journée.
Portez une grande attention sur la façon que le vent circule sur votre secteur de chasse et noter les corrélations entre le vent et les chevreuils observés. La qualité de vos prélèvements de sujets mâtures n’en sera qu’améliorée.

PAUL-ANDRÉ HOULD
L’auteur avec un beau buck récolté en respectant constamment le puissant odorat de l’animal.