
Par
Louis Turbide
ÉDITORIAL


Dossier RTLB :
Une patate chaude pour laquelle il faudra trancher
Au niveau de la chasse au chevreuil, aucun sujet n’a soulevé ces dernières années autant de passion que celui de la restriction de la taille légale des bois (RTLB). On se croirait à l’époque référendaire où quasi autant de personnes étaient pour ou contre la souveraineté au Québec. Ça brassait fort dans les chaumières lorsque ce sujet était abordé. Mais alors que le NON a remporté de justesse le dernier référendum et que l’option du OUI s’est éteinte avec cette défaite, il en est tout autrement pour le dossier de la RTLB qui a fait l’objet d’un sondage auprès d’un échantillonnage significatif de chasseurs de chevreuils du Québec.
En effet, à l’échelle de la province, 52% des répondants à ce sondage effectué par le ministère se sont dit en faveur de l’application réglementaire de la RTLB. Nous avions d’ailleurs effectué un sondage le printemps dernier auprès de nos lecteurs et 63% des répondants s’étaient montrés favorables à l’application de la RTLB. Rien de scientifique de notre côté mais on sentait tout de même le courant d’appui pour cette mesure de gestion. Mais avec un résultat aussi serré (52%), l’option d’implanter la RTLB partout au Québec est très loin d’être chose faite. Plus précisément les adeptes de 14 zones de chasse sur 30 ont majoritairement donné leur appui à la RTLB alors que sur les 16 zones s’étant opposées à la RTLB, 4 zones se sont opposées mais avec à peine 51%. Si on creuse un peu plus les résultats de ce sondage, on se rend compte que les répondants de 12 ans à 59 ans appuient majoritairement la RTLB. Chez la clientèle de 60 ans et plus, cet appui baisse à 42% et même à 34% chez les chasseurs de 80 ans et plus. Pas facile de trouver une solution qui plairait à tout le monde, j’en conviens! Depuis la sortie des résultats de ce sondage, la FédéCP s’est positionnée en appuyant l’application réglementaire de la RTLB dans les zones à forte densité (4, 5, 6, 8 et 7 Sud). Du côté du ministère, ce dernier envisage 4 scénarios soient :
- RTLB volontaire dans toutes les zones
- RTLB volontaire dans toutes les zones sauf dans la zone 6N et 6S
- RTLB réglementaire dans toutes les zones à haute densité de cerfs
- RTLB réglementaire dans toutes les zones
Par contre, le ministère ne semble aucunement vouloir pencher vers une RTLB réglementaire à l’échelle de la province alors que leurs indicateurs de risques tournent majoritairement au rouge si cette réglementation était appliquée. Leur plus grande crainte réside dans la potentielle perte de clientèle en défaveur avec la RTLB réglementaire si le ministère décidait d’aller de l’avant. Selon moi, cette préoccupation est légitime car vient un temps dans la vie d’un chasseur où la qualité de la récolte devient bien secondaire pour diverses raisons comme la santé par exemple. La passion de la chasse chez cette clientèle vieillissante est toujours là mais il ne faut pas que la législation ne mette trop d’obstacles à la pratique de cette activité sinon il y a effectivement un risque de perdre des adeptes. D’un autre côté, les moins de 60 ans veulent majoritairement cette mesure mais dans ce cas, le ministère semble considérer cette clientèle pour acquise car selon leur analyse, le risque de perdre cette clientèle advenant que la RTLB ne soit appliquée nulle part au Québec est considéré comme faible. Permettez-moi d’en douter! Les opportunités de chasse au chevreuil hors Québec ne manquent pas et il serait utopique de penser que cette clientèle ne regarde pas ailleurs et délaisse le Québec advenant un statut quo. Devant ce constat d’impuissance où le Ne rien faire semble être la solution envisagée par le ministère, Unis pour la faune semble avoir trouvé un compromis qui, à mon avis, pourrait rallier une majorité de chasseurs. Voici donc en détails cette proposition. Je n’ai pas changé une virgule de leur proposition car je trouve important de saisir toutes les subtilités attachées à cette proposition. Pour assurer une meilleure compréhension de la proposition d’Unis pour la faune, nous avons inséré un tableau qui résume le tout juste avant leurs explications détaillées.
SONDAGE
Après avoir lu cette proposition, je vous invite en fin d’article à répondre à notre sondage qui vous demande si vous êtes POUR la proposition d’Unis pour la faune.
Proposition RTLB- Unis pour la faune
Nous proposons donc une RTLB réglementaire à l’échelle provinciale, impliquant une restriction de trois pointes minimums sur un côté du panache, dans toutes les zones du Québec, y compris la zone 6. Nous préconisons une RTLB assouplie pour favoriser l’acceptation de tous les types de chasseurs, tout en permettant une meilleure répartition de la récolte et, par conséquent, l’amélioration de la structure d’âge de la population de cerfs ainsi que de l’expérience de chasse des adeptes.
L’assouplissement que nous suggérons repose sur un système de tirage au sort «tout mâle», permettant aux chasseurs de postuler pour un permis autorisant la récolte d’un mâle avec plus de 7 cm de bois sur un côté du panache, conformément à la loi actuelle dans la majorité des zones. Cette mesure vise à protéger un nombre minimal de jeunes mâles tout en permettant un prélèvement contrôlé, favorisant ainsi une meilleure répartition entre les différents segments et classes d’âge. Sans fixer de nombre précis, nous estimons qu’il serait adéquat de permettre par tirage au sort l’équivalent de 30% de la récolte actuelle de mâles par zone. Nous croyons que cette adaptation serait bénéfique pour la ressource et acceptable pour la majorité des chasseurs. Avec cette mesure, la récolte de cerfs sans bois serait appliquée dans toutes les zones du Québec où les gestionnaires jugeraient nécessaire de conserver la récolte totale actuelle. Dans les zones à faible densité, cette proportion de jeunes mâles serait alors utilisée comme monnaie d’échange pour compenser la baisse de la récolte totale annuelle, réduisant ainsi le nombre de permis de cerfs sans bois souhaitable pour contrer cet effet qui semble être un point de préoccupation majeur des gestionnaires dans le contexte de la RTLB.
Tirage au sort «cerfs sans bois» et «tout mâle» : ce système est déjà bien établi et ne nécessite pas d’investissements majeurs. Il pourrait bénéficier de quelques ajustements et ajouts pour calculer non seulement le nombre de permis de «cerfs sans bois» requis par zone, mais aussi le nombre de permis «tout mâle» nécessaire pour atteindre les objectifs.
Bien que nous ne disposions pas de données scientifiques à ce sujet, de nombreuses boucheries de cerfs ainsi que certains suivis du côté américain signalent que la majorité des récoltes se composent de jeunes mâles âgés d’un an et demi (70 – 85%). En utilisant cette valeur comme référence, il est possible d’estimer le nombre de permis «tout mâle» nécessaire pour protéger une partie (60 à 70%) des jeunes mâles et de compenser la réduction de la récolte restante avec des permis de «cerfs sans bois». En général, ce qui est abattu en tant que mâle devrait être autorisé en cerfs sans bois puisque chaque printemps, il y a autant de naissances de mâles que de femelles. Pour conserver une récolte annuelle moyenne avec une RTLB et une récolte «tout mâle», un niveau de 70 % de femelles par rapport à la récolte totale annuelle de mâles serait nécessaire et conservateur pour maintenir le taux de succès par zone. Le nombre de permis de «cerfs sans bois» à émettre par zone sera à la discrétion des gestionnaires.
Cette approche vise à satisfaire une plus grande majorité de chasseurs que la situation actuelle, tout en offrant une gestion durable de la ressource et en améliorant à long terme l’expérience de chasse pour tous les adeptes. Cette solution est inclusive pour chaque zone et offre des alternatives à chaque type de chasseur, tout en favorisant une ressource de qualité et une expérience de chasse améliorée pour tous les utilisateurs.
En ce qui concerne le contexte d’une chasse de qualité, de la protection des jeunes mâles et du contrôle de la densité, nous proposons également de réexaminer le principe de la récolte de deux cerfs par chasseur, plus précisément la possibilité de récolter deux mâles. Dans les zones à forte densité, nous suggérons de maintenir la possibilité de récolter deux cerfs, mais un seul mâle. Dans les zones à forte densité, les chasseurs devraient récolter leur femelle avant d’obtenir un permis de mâle. La récolte de deux cerfs devrait, selon nous, favoriser le contrôle de la densité en privilégiant la récolte de cerfs sans bois sans ajouter de pression supplémentaire sur les mâles.
Dans l’ensemble, pour les zones à faible densité, il n’y aurait qu’une seule récolte autorisée, que ce soit pour un cerf sans bois, un mâle RTLB ou un mâle ordinaire. La quantité de femelles autorisée serait déterminée en fonction de la sévérité des hivers. Un chasseur de zone à basse densité pourrait toutefois appliquer dans les zones à forte densité pour la récolte d’un deuxième cerf (sans bois récolté en premier lieu).
À titre d’exemple, nous avons effectué une évaluation du potentiel de récolte par zone de chasse. Vous trouverez ci-joint un fichier Excel présentant les possibilités par zone de chasse. Le calcul démontre à titre informatif, ce que pourrait représenter la récolte dans un scénario octroyant 30% de la récolte actuelle mâle, en permis tirage au sort «tout mâle» ou exemption RTLB et 70 % de cerfs sans bois par rapport au nombre de mâles total moyen récolté annuellement.
Ayant moi-même voté contre l’application de la RTLB car je chasse dans une zone à très faible densité, j’aurais probablement considéré la proposition d’Unis pour la faune si elle m’avait été présentée comme scénario. Je considère qu’une grande proportion des chasseurs pourrait y trouver leur compte dans cette proposition. Bien entendu, il n’y a pas de solution miracle pour rallier 100% des adeptes mais un ministre qui déciderait d’aller de l’avant avec cette proposition aurait beaucoup moins de mécontents à gérer que n’importe quel autre scénario envisagé, j’en suis certain! Et vous qu’en pensez-vous?
Sondage
